Rares sont ceux qui connaissent réellement Alyss et personne ne pourra la comprendre. Interrogez là sur elle, sur son passé et elle inventera une nouvelle histoire différente de la précédente. Mentir est une seconde nature chez elle. Elle n'a aucunes limites, aucunes valeurs hormis celle de faire ce qu'il lui plait quand ça lui plait. Tous les excès lui sont permis sans aucune mesure. Elle brûle la vie par les deux bouts sans se préoccuper de sa santé, des autres, de demain ou de quoique ce soit d'autre. Tous les moyens sont bons pour oublier la rage qui brûle en elle, le feu qui la dévore chaque jour un peu plus de l'intérieur. Elle respire, elle bouge, elle parle mais elle n'est qu'une ombre, une enveloppe vide. Elle est comme morte et passe son temps à errer en cherchant un échappatoire. La souffrance la délivre pour un temps de son mal, que ça soit que la douleur physique ou mental, la sienne ou celle d'autrui. Mais la chose qu'elle aime le plus au monde, qui la soulage du fardeau qu'elle porte est le feu. Le voir tout dévorer, l'entendre rugir, sentir sa morsure sur sa peau, cette fumée qui peu à peu vous fait suffoquer voilà les seules choses qui lui procurait du plaisir, un sentiment de puissance sans pareil. Elle peut rester des heures à regarder fixement une flamme vaciller dans l'obscurité, elle provoque des incendies, brulant des bâtiments entiers pour pouvoir uniquement admirer les flammes s'élever toujours plus.

Alyss est le genre de personne que l'on est obligé de remarquer quand on la croise dans la rue. Ses longs cheveux blancs descendent jusque dans le bas de son dos, voletant autour d'elle au grès du vent ou des mouvements de la jeune fille. Cette couleur est tout ce qu'il y a de plus naturelle, la teinte de ses sourcils et de ses cils en atteste. Ses yeux sont d'un vert tirant vers le bleu. Les traits de son visage sont fins, délicats et doux donnant un impression de fragilité qui est totalement fausse. Cette impression est renforcée par sa petite taille et sa silhouette toute en finesse. La jeune fille est aussi agile qu'un chat s'amusant très souvent à grimper aux arbres, aux murs ou à tout autre endroits qui lui fait envie. Sa voix cristalline résonnent comme une douce musique aux oreilles de ses interlocuteurs mais son rire qui s'élève dans la nuit face à un brasier est un son encore plus mélodieux. Beaucoup de gens donnerait le bon dieu sans confession à la jeune fille et quand ils se rendent compte de leur erreur il est déjà trop tard, elle a déjà réduit leur vie en cendres.  

La jeune femme est née à Paris un jour de juin, il y a de ça 17 ans. Ses parents, de jeunes adultes qui débutaient tout juste leur relation, ne s'attendaient pas vraiment à avoir un enfant si rapidement après s'être mis en couple. Mais ils virent cette grossesse inattendue comme un cadeau du ciel et un moyen de renforcer leur amour naissant. Ce fût bien entendu tout le contraire. Ils étaient de bons parents, s'occupant de leur fille comme il se doit mais, ils se rendirent peu à peu compte au fil du temps que leur amour s'éteignait et qu'ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre. Cependant, ils étaient tous les deux prêts pour l'équilibre d'Alyss à faire des compromis et à essayer encore et encore de sauver leur couple. La petite fille ne se doutant de rien grandit dans la capitale et eu une enfance heureuse et parfaitement normale, rythmée par les hauts et les bas de ses parents mais quel couple n'en a pas? Cela ne dura malheureusement pas et un drame toucha brusquement sa famille.

A l'âge de cinq ans un incendie se déclara chez Alyss. Bien qu'elle fut présente dans l'appartement lorsqu'il prit feu, elle ne garda que très peu de souvenir de l'accident. Uniquement de la fumée qui lui piquait les yeux et la gorge, des cris de sa mère, les bras de son père qui la soulevèrent et la portèrent hors de l'appartement, le bruit assourdissant d'une explosion puis plus rien. Le noir total. Alyss ne se réveilla que plusieurs jours plus tard dans un lit d'hôpital. Son père était à ses côtés la regardant bizarrement comme s'il était en colère contre elle mais, essayait de ne pas le montrer. L'enfant réclama sa mère et c'est là que son père lui fit comprendre qu'elle n'était plus là, qu'elle n'avait pas survécu à l'incendie. C'est de cette façon que la petite fille perdit sa mère.

Après ce tragique accident le comportement de son père à l'égard changea brusquement. Il devient plus strict, plus froid avec elle. Sévère, il exigeait d'elle la perfection, sans jamais être satisfait que ce soit de ses études ou de son comportement. Même si la petite fille était très intelligente pour son âge et enchaînait les excellentes notes et les bonnes appréciations de ses professeurs cela n'était jamais assez pour son père qui la dévalorisait un peu plus chaque jour. Alyss se pliait à ses exigences pensant qu'il faisait cela pour elle, pour son bien mais, elle se rendit compte que ce n'était pas du tout le cas quelques années plus tard.

Trois ans après le drame, le père d'Alyss rencontra quelqu'un, se maria et eu un autre enfant peu de temps après. La petite fille aurait pu être heureuse de cette nouvelle famille mais, ce fût l'effet inverse. Elle qui n'avait connu qu'un père dur et autoritaire, le vit se transformer devant sa petite soeur. Il était doux, patient et affectueux avec elle dédaignant un peu plus Alyss. Il rejetait tout simplement son premier enfant. Elle se referma alors de plus en plus sur elle-même, se demandant pourquoi on était comme cela avec elle, ce qu'elle avait bien pût faire de mal.

C'est à ce moment-là qu'elle décida de se rebeller contre son père. Puisque ce n'était jamais assez pour lui, qu'il avait l'air de la détester alors autant lui donner une bonne raison de le faire. Elle qui avait toujours été douce et calme, devient mauvaise et insultante. Elle était violente et sournoise, terrorisant ses camarades, se moquant de ses professeurs et dégradant les locaux de l'école. Pour faire enrager son père elle s'amusait à jouer avec des allumettes devant lui, ce qui avait le don de le mettre dans une colère noire sans que Alyss ne sache vraiment pourquoi. La seule chose qu'elle savait c'est que rien ne l'amusait plus.

Elle continua de grandir et avec l'adolescence, son comportement empira. Elle déserta l'école et adopta une attitude provocante, que ce soit dans son comportement ou dans sa façon de s'habiller. Elle se mit à boire et à fumer, à voler dans les magasins, à avoir de mauvaises fréquentations. Elle fugua à de nombreuses reprises finissant toujours par être ramenée chez elle par la police.

Son intérêt pour le feu grandit lui aussi et devint finalement une fascination morbide. Elle pouvait passer des heures à regarder danser la flamme d'une bougie ou celui de son briquet. Elle approchait doucement sa main, toujours plus près jusqu'à sentir la brûlure douloureuse sur sa peau. Elle aimait cette sensation, la marque que ça laissait sur elle. Elle voulait voir le feu grandir, consumer, dévorer tout sur son passage, l'entendre crépiter, chanter, grogner, voir cette force capable de tout réduire à néant. Elle s'intéressa de près aux explosifs d'abord juste par curiosité, puis en voyant qu'il était facile avec un peu de matériel et d'entrainement d'en créer d'artisanalement, elle se mit à jouer à l'apprentie chimiste. Elle passait des jours entiers à tester différents produits inflammables ou des méthodes trouver sur le net, cachée dans une maison abandonnée. Et finalement elle passa à l'acte.

Elle commença par le bâtiment vide dans lequel elle avait trouvé refuge. Elle devait être démolie quelques jours plus tard, Alyss trouva alors que c'était une bonne occasion de la brûler. Elle la regarda flamber en souriant, un sentiment de satisfaction et de puissance l'ayant envahi puis elle parti à contrecoeur avant l'arrivée des pompiers et de la police. Elle ne s'arrêta pas là. Cette année là plusieurs voitures, magasins, immeubles et écoles brûlèrent dans les alentours en l'espace de quelques mois, toujours de nuit. Cela alerta les autorités qui ouvrirent une enquête mais, malgré les recherches elles ne firent jamais le lien avec la jeune fille. Ce petit jeu du chat et de la sourie amusait Alyss à un point inimaginable.

Puis une nuit elle décida de frapper un grand coup. Elle s'attaqua à son lycée, y faisant exploser l'une de ces recettes artisanales mais, au lieu de s'en aller avant l'arrivée de secours elle resta tranquillement là appréciant pleinement le spectacle. Une cigarette coincée entre les lèvres elle attendait patiemment le reste des spectateurs qui finirent par arriver quelques minutes plus tard. Elle les regarda s'activer et courir un peu partout pour tenter de maitriser l'incendie. Un sourire amusé flottait sur ses lèvres et il s'élargit un peu plus lorsqu'un policier s'approcha d'elle, lui demandant de ne pas rester là à cause du danger de la situation. Elle lui ria presque au nez en lui soufflant la fumée de sa cigarette au visage:

"-Dangereux? Mais c'est justement le but sinon je n'aurai pas pris la peine de l'allumer!"

Alyss s'est bien entendue faite embraquée après cette déclaration. Elle avoua alors au commissariat près d'une vingtaine d'incendies comparables et tout cela sans éprouver le moindre remord que ce soit pour les dégâts qu'elle avait causés ou pour les vies qu'elle aurait pu mettre en danger. Au contraire elle se vantait et était fière de son petit effet. N'étant âgée que de 15 ans on se contenta de l'envoyer chez un psychiatre. Il la suivit pendant plus d'un an et sa conclusion était simple: Alyss avait pleinement conscience de ses actes et de leurs conséquences et elle ne souffrait d'aucun trouble d'ordre psychiatrique hormis une pyromanie à un stade élevé et un total désintérêt pour la souffrance d'autrui. Mais il y a quelques mois quelque chose de plus inquiétant encore fût révélé. Tentant de faire réagir la jeune femme, le psychiatre dévoila un secret qui était soigneusement gardé depuis plus de dix ans. Les autorités avaient conclu que l'accident qui avait coûté la vie à la mère d'Alyss avait été provoqué par la fillette de l'époque qui s'était amusée avec des allumettes. Elle était donc responsable de la mort de sa propre mère. Au lieu de la prise de conscience que le spécialiste attendait, il ne vit qu'un sourire narquois apparaitre sur les lèvres de la jeune femme:

"-Et vous croyiez que je ne le sais pas? Vous êtes vraiment tous plus attardés les uns que les autres. Vous avez cinq ans de retard sur ce coup. J'ai fais exprès d'allumer le feu ce jour là."

Après une telle déclaration, le père d'Alyss abandonna tout espoir en ce qui concerne sa fille et décida simplement de l'envoyer dans un autre lycée dans une autre ville, de l'éloigner le plus possible de lui et de sa famille, ne voulant plus attendre parler du monstre qu'il avait engendré. C'est comme cela qu'Alyss se retrouva dans un train en direction d'Amoris City bien décidé à mettre un peu d'animation dans cette petite ville tranquille.