« J'ai dit non. Je ne veux pas de ce contrat. Laisse tomber.

-Sheitan, pauvre fou, crois-tu être libre ? Ton image nous appartient. Tu es à nous.

-La ferme, tu me gonfles. » lâchai-je en lui raccrochant au nez.

De qui s'agissait-il ? De mon agent. J'avais de la chance que ma ville natale, Amoris City soit une ville extrêmement calme pour ne pas dire coupée du monde. Ici, on me reconnaissait difficilement. J'étais déjà bien entendu tombé sur quelques fans désirant un autographe mais pas de psychopathe, c'était déjà ça. Enfin, je crois que le plus lourd dans tout ça était de devoir me coltiner deux grands gars solides comme du roc pour me surveiller. La comparaison avec le roc était parfaite. Non seulement ils étaient solides mais presque muets... Je sortis de ma chambre en baillant, balayant la salon du regard. Hum, Yoko devait sûrement dormir à l'heure qu'il était. Après tout, il me semblait bien qu'elle n'était pas très matinale, contrairement à moi. J'exécutais mes petits rituels habituels, d'abord une pomme. Je n'avais jamais très faim le matin et surtout, je devais garder un physique avantageux pour ma profession alors je suivais un régime strict même si au fond, je pouvais manger autant que je le voulais puisque je ne prenais pas un gramme... Vînt ensuite le tour de la douche, une bonne douche froide, quoi de mieux pour me réveiller. Je m'habillais avec un jean sombre, un t-shirt blanc avec quelques motifs anarchistes. Je descendis alors les escaliers de l'immeuble avec hâte. J'étais pressé, pressé de semé mes deux chiens de garde.

« Ah vous êtes là. Déjà... Alors, vous allez bien ? Bien dormi ? Il fait beau aujourd'hui, non ? »

Et comme d'habitude, ils ne me répondaient pas, se contentant de faire la gueule. Tss ! Et après on se demandait pourquoi j'étais un type froid hein ! Je remontais piteusement les deux marches, il devait bien y avoir une autre sortie... Mon regard se posa sur la porte de l'un de nos voisins du rez de chaussée. Il était tôt, j'allais sûrement le réveiller mais peu m'importait. Je frappai alors discrètement à la porte en surveillant mes deux employés du regard.

« Qu'est-ce que... ?
-Je rentre. Je vous emprunte une fenêtre, merci. » déballai-je en m'imposant dans la pièce.

Parfait, je pouvais fuir sans problème par la fenêtre de la cuisine sans être remarqué ! Je fis un signe de tête reconnaissant à mon voisin et me glissai à l'extérieur en soupirant de soulagement.

« Sérieusement... Faire autant d'efforts pour une envie soudaine ! Qu'on me tue.. »

J'avançais en trépignant comme un gamin, complètement insatisfait de mon propre comportement comparable à celui d'un enfant capricieux. Enfin, c'était peut-être normal pour une personne célèbre qui avait l'habitude de voir tous ses désirs réalisés. Oui mais bon, même ma propre connerie devait bien avoir des limites, non ? Non peut-être pas en fait. C'est vrai, je m'étais échappé pour rien. Pas de but spécifique, j'en avais juste ressenti l'envie. Mais quel crétin triplé d'un enfoiré. Complaintes terminées, puisque j'étais libre, je n'avais qu'à en profiter pleinement. D'accord. Ouais. Pourquoi pas. Mais... Comment profiter de la vie, de la liberté quand on a l'habitude d'être un chien enchaîné ? Quand sa propre envie de vivre a disparu ? Finalement, il fallait que je m'y fasse, j'étais une véritable cause perdue. Je soupirais en empruntant le chemin du parc, de toute façon, les boutiques étaient fermées pour l'instant alors autant me poser dans un endroit plaisant. Oui, c'était plutôt sympa comme endroit, il respirait la joie de vivre, contrairement à moi... L'atmosphère était agréable. Le soleil effleurait ma peau avec ses doux rayons, le vent chantait en rythme avec les oiseaux, les feuilles vertes embellissait le paysage. Tout me paraissait parfait. Enfin, presque. A quelques mètres de moi, il y avait une certaine agitation. Je plissai les yeux et arrivai à distinguer un groupe de jeunes. Des garçons et... une fille, seule contre tous ces vautours. Je m'approchai davantage afin d'entendre la conversation. Ah ouais quand même, dans le genre discours romantiques, ils étaient plutôt en bas de l'estrade... Leurs gestes se firent pressants et tout simplement intolérables. Je serrai les poings, retirant rapidement mes mains de mes poches et accourus vers la victime et ses assaillants.

« Hey ! Ça suffit, lâchez-la ! J'aime pas particulièrement l'exhibitionnisme et encore moins les gros beaufs dans votre genre que l'égo rend sourd ! Elle vous a dit de la laisser tranquille, alors vous partez. Tout de suite ! » hurlai-je à m'en bousiller les poumons.

Mon intervention ne leur avait pas plu, fallait s'y attendre. Alors, ils lâchèrent prise, laissant enfin la jeune fille. L'un d'eux se précipita vers moi, le bras en arrière et le poing levé. Comme je m'y attendais, il s'agissait juste de crétins qui ne se servaient que de la force brute. Ma façon de me battre était plus élaborée. Je repérais les points faibles et les exploitais, quant à ma façon de bouger, elle est aussi plaisante qu'une danse. Après tout, le combat était un art merveilleux. Je me baissai en avant et fis un pas sur le côté, évitant sans peine mon adversaire puis fis volte face et lui assaillis un coup de genoux dans le ventre avant de le frapper rapidement à la nuque avec l'extrémité de ma main. Et d'un. Deux autres se ruèrent sur moi avec rage, l'un sur ma droite, l'autre sur ma gauche. Bref, je n'avais qu'à me baisser et le travail était fait. Ils se frappèrent l'un l'autre. Je n'eus qu'à assommer davantage l'un et à faire une prise de kendo à l'autre.

« C'est bon ? Vous avez compris ? Partez. »

L'un d'eux s'était relevé et s'était jeté sur moi, je me retrouvai face contre terre tandis qu'une grimace agacée trônait fièrement sur mon visage méprisant. Une belle brochette de connards. Les hommes qui s'en prenaient aux autres, aux femmes à des fins épouvantables, c'était ceux que je détestais le plus. Une tonne de souvenirs me revînt. Ma sœur en pleurs, mon père, debout, se sentant affreusement immonde. J'étais devenu fou et l'avais presque battu à mort. Je me souvenais de tout, très clairement. Mes poings couverts par mon sang et par le sien, son visage ensanglanté...oui, d'absolument tout. Et finalement, j'avais été en prison pour purger ma peine, bon, avec les circonstances atténuantes, j'avais réussi à plutôt bien m'en sortir... Je frappais l'homme encore et encore, perdant totalement le contrôle de ma personne. Il me fallut plusieurs minutes pour reprendre mes esprits et arrêter de le frapper. Essoufflé, je me levais en fronçant les sourcils, les laissant déguerpir. Mon regard se posa sur la jeune fille, certainement une lycéenne. J'avançai alors jusqu'à elle et m'appuyai sur le rebord de la fontaine en soupirant.

« Haa... Sérieux, ça craint... Bon, tu vas bien ? »

Aah, les brutes étaient vraiment toutes les mêmes. Juste des gars bâtis comme des camions qui ruminaient bêtement et qui s'en prenaient aux filles. Ces garçons ne se servaient jamais que de leurs muscles et de leur force brute. Heureusement pour moi, j'avais beau être un garçon bourru, un peu brusque, je savais tout de même me servir de ma matière grise... Enfin, je n'allais pas m'attarder sur leur cas des plus désespérant. Désormais installé sur le bord de la fontaine en haletant plus ou moins discrètement, je baissais mon regard sur la jolie brunette. Je n'y avais pas vraiment fait attention, je ne m'en étais pas rendu compte pour ainsi dire mais, mon regard était restait accroché au sien. La couleur chaleureuse de ses yeux réchauffait mon esprit. Je ne m'étais pas bêtement battu, elle en valait la peine. J'avais toujours aimé cette couleur, « le vert de vipère » comme disaient les enfants. Personnellement, j'aimais les reptiles alors ce n'était pas un problème et puis... Cette couleur me rappelait plutôt la couleur du bonheur et de la sagesse. Je l'associais, comme beaucoup de personnes, au printemps. A un printemps merveilleux.

« Est ce que ça va ? A cause de moi vous auriez pu être blessé.. Je suis désolée »

Je haussais les sourcils, comme s'il m'était impossible de comprendre autant d'égard vis-à-vis de ma personne. J'y étais pourtant habitué. Mais contrairement à ce que j'avais pu connaître, cette fois, c'était sincère. C'était comme si j'avais en ace de moi l'une des seules personnes à se soucier réellement de mon état.

« C'est... Je vais bien. Tu n'as pas à t'en vouloir, j'ai choisi d'intervenir de mon propre chef. Si je me souciais d'être blessé, je ne serais pas intervenu. Entre autre, ne t'en fais pas pour moi, je vais bien. En revanche, tes poignets sont marqués... »

Je tendis légèrement la main, quelque peu hésitant et effleurai finalement l'un de ses poignets, le fixant en plissant doucement les yeux. Tandis que je poursuivais mon examen, il me sembla sentir comme une goûte d'eau se déposer sur ma main. Ah, su sang... J'avais du me couper la lèvre en recevant un coup. L’Humain est si fragile, franchement... Je baissai brusquement la tête et cachai ma bouche à l'aide de ma main, essuyant le liquide écarlate d'un rapide revers de main. Par chance, mon interlocutrice n'avait rien vu. Alors, je l'observai davantage. Ses yeux, j'en étais désormais persuadé, ils avaient un éclat unique. L'âme d'un homme égaré aurait put être apaisée rien qu'en les regardant. Il y avait quelque chose que je ne m'expliquais pas chez elle. D'habitude, je considérais les personnes comme semblables, autant la gente féminine que masculine. Mais la jeune fille attisait mon attention, son aura bienveillante était surprenante, c'était peut-être ça. Je la regardais poser une main sur le rebord avec ce sourire qui lui était propre, mes yeux laissant voir ma surprise. En effet, l'éclat de son sourire était plutôt surprenant même si j'avais du mal à l'admettre à cause de mon orgueil toujours omniscient.

Et sans que je ne puisse faire quoique ce soit, je la vis glisser et basculer dans la fontaine, j'avais tenté de la retenir, tendant le bras mais mon intervention avait été veine puisque je n'avais pu empêcher la chute. Enfin, au moins, je n'étais pas resté figurant et étais passé au statut d'acteur principal en tombant avec elle. Ayant été entraîné juste après, je me retrouvais juste au dessus d'elle avec une moue qui exprimait parfaitement le fait que j'étais de loin dépassé par autant d'événements. Je me reculais avec rapidité en me frottant la nuque, lâchant un petit soupir. J'avais eu de la chance, assez pour avoir le temps de me rattraper et de ne pas tomber entièrement dans l'eau.

« Je.. Je suis désolée.

-C'est bon, ce n'est rien. On est en été mais... Avec une eau aussi glacée, tu risques d'attraper froid et puis... Ta robe est mouillée alors.. » Je me raclais la gorge, sentant la gêne m'envahir peu à peu et lui tendis une veste. Elle était légère, normal, on était en été mais c'était mieux que rien et puis, ça lui permettrait de camoufler ses sous-vêtements.

Mon regard balaya les environs, des passants riaient gaiement, leur rires chantant s'accordant avec le bruissement des feuilles. Cette bonne humeur générale m'atteignit et même si ce n'était pourtant pas mon genre d'habitude, je lâchai un sourire maladroit. Finalement, les mains sur les genoux, je me relevai lentement et offris une main à ma nouvelle connaissance afin de l'aider à se relever. C'était plutôt inattendu, ce sentiment de bonne humeur générale qui avait envahit tout le parc. Comme je le pensais, cette fille était rayonnante. Mon regard la détailla davantage, le joli sourire qu'elle m'adressait, ses prunelles qui m'examinaient avec douceur, sa chevelure soyeuse désormais trempée, sa peau pâle qui me paraissait aussi douce que de la soie et ses mains fines. Étrangement, je fus pris de l'envie de connaître son nom. Le souvenir des formalités me revînt, si je lui demandais son nom, par politesse, elle allait demander le mien. Ce serait une situation dérangeante, peut-être qu'elle connaîtrait mon identité, dans ce cas-là ce serait vraiment embêtant. Oui, non seulement ça mais je devais également avoue que j'avais quelque peu honte de mon prénom. Un prénom qui démontrait tout le dédain que mes parents m'avaient porté.

« Je vous remercie de m'avoir aider. Vous étiez vraiment impressionnant. »

Sans que je ne m'en rende véritablement compte, mon regard avait revêtu une apparence légèrement craintive. En m'installant à mon tour au bord de la fontaine, je tournai machinalement la tête sur le côté afin de me préserver du regard si singulier de la jeune fille. Bien entendu, comme tout homme possédant un certain orgueil, ses remerciements ne pouvaient que me faire plaisir. Il en était de même pour ce compliment. Mais une partie encore enracinée à mon passé resurgit. Impressionnant, hein... J'avais dû apprendre à me battre à cause de ma profession mais mon adolescence m'y avait déjà bien aidé. Je m'étais toujours beaucoup battu que ce soit durant mon enfance, mon adolescence ou même durant les prémices de cette nouvelle vie de jeune adulte. Les causes avaient été diverses mais l'une me tenait particulièrement à cœur ou du moins, me hantait. Chaque cellule de mon corps avait été marquée par cet événement.

« Ah... Dans un monde comme le notre, je pense qu'il est important pour un garçon de pouvoir se battre pour une cause qui lui tient à cœur. Alors, ce n'était pas si impressionnant que ça enfin de compte.» fis-je remarquer sur un ton monotone, considérant le fait de savoir se battre comme une évidence alors qu'en effet, c'était loin d'en être une.

Je gardais pour moi les pensées mélancoliques qui m'envahissaient. La vérité était que j'aurais préféré ne jamais avoir à apprendre à me battre. Une vie remplie de banalités douces formant une agréable routine. Beaucoup tentaient de se sortir de leur quotidien. Personnellement, j'aurais aimé en connaître un et pouvoir me reposer tranquillement sur mes lauriers.

« Oh.. vous êtes blessé ? Laissez moi voir. »

Ah mince, elle l'avait remarqué... Au fond, ce n'était pas si ennuyant que ça. Disons simplement que j'avais voulu cacher cette petite blessure afin de ne pas inquiéter ma rescapée et surtout, afin d'éviter qu'elle ne ressente un sentiment de culpabilité. Même si je ne le montrais pas, j'étais heureux d'avoir pu lui venir en aide. Sa chaleur m'avait finalement conforté dans l'idée que l'Humain pouvait aussi avoir de bons côtés, idée que j'avais longtemps écarté. « Est ce que je peux ? » Je hochais doucement la tête, laissant mon interlocutrice s'occuper de cette petite plaie. Et à vrai dire, je profitais de ce contact pour pouvoir cerner sa personne à ma façon. J'aimais l'idée de me souvenir d'une personne et de tout ce qu'elle était. L'aura qu'elle dégageait était d'une bienveillance sans faille, son odeur était délicate et me rappelait de lointains souvenirs que j'avais inconsciemment enterré, ne laissant que les mauvais marquer ou du moins écorcher vif mon esprit. Je levais légèrement la tête afin de lui faciliter la tâche, en profitant pour scruter un ciel d'un bleu renversant. Décidément, ce matin-là me paraissait idéal. Je m'étais battu mais ça ne me dérangeait pas. J'avais l'habitude. Et puis, j'avais fait une rencontre. Je ne savais pas encore ce qui allait en ressortir mais j'avais le pressentiment que c'était une bonne chose. Oui, j'avais comme la sensation d'avoir été débarrassé d'un poids, recevant le soutient d'une épaule réconfortante. Je m'abandonnais un instant à cette implosion de douceur et laissai la commissure de mes lèvres formait un sourire. Il ne sautait pas aux yeux en raison de sa discrétion mais je suppose que c'était déjà ça... Hum, il aurait fallu que je dise quelque chose, là, tout de suite. Quelque chose avec un semblant de tact, que je sois moins... brutal peut-être ?

« Je te remercie... Tu devrais prendre plus soin de toi. Tu as l'air empathique, c'est une bonne chose mais pense à toi. Et puis, fais attention, tu une jolie fille alors il suffit que tu croises des mâles aux hormones en ébullition pour que ça parte dans tous les sens. »

Raté. Mon côté taciturne avait de loin pris le dessus, mes intentions ne se voulaient pas blessantes mais ce ton habituel, ce ton froid et méprisant que j'employais toujours pouvait entraîner une personne à se méprendre sur mes intentions. Sérieusement, il fallait vraiment que je travaille ce côté-là de ma personnalité.

« Je ferais attention à l'avenir.. »

Ces paroles qu'elle avait prononcé avec sa nature douce m'avaient quelque peu rassuré, même si je savais pertinemment qu'une jolie fille était toujours en proie à des tas de remarques désagréables venant de la gent masculine. J'inspirai doucement tandis que le contact du mouchoir humide sur mes lèvres me faisait frissonner. Je devais l'avouer, tout ça me semblait assez étrange. Jusqu'ici, j'avais toujours soigneusement évité le contact avec autrui, qu'il s'agisse d'hommes ou bien de femmes. Je suppose que j'inquiétais ma sœur à ce sujet d'ailleurs, après tout, elle ne m'avait jamais vu sortir avec quelqu'un. Ça m'était pourtant déjà arrivé mais je reconnaissais que l'amour n'était pas une chose à laquelle je m'accrochais tout particulièrement, c'était même plutôt l'inverse. Je pensais tout connaître de ce triste monde, qu'un sentiment aussi futile que l'amour ne me toucherait jamais mais j'avais faux.

« Je m’appelle Haru. C'est un prénom Japonais qui signifie « printemps », je crois. »

Je la regardais s'éloigner en haussant un sourcil, moi-même surpris, surpris de m'être senti déçu lorsqu'elle s'était éloignée. J'étais Humain, il était certainement normal que j'apprécie le contact avec ceux de mon espèce même si je me refusais éternellement à le reconnaître. Mes yeux posés sur elle, j'aspirais secrètement à avoir le loisir de prononcer son prénom de nombreuses fois. D'habitude, lorsqu'une personne se présentait, je répondais avec dédain, souhaitant m'écarter d'elle le plus rapidement possible mais là, c'était différent, sa joie de vivre, sa gaieté... Tous ces sentiments positifs m'avaient atteint. Je sentis même une vague de liberté me traverser.

« C'est un très beau prénom et tu le portes bien » m'exclamai-je comme s'il s'agissait là d'une vérité générale et que cela n'avait absolument rien de surprenant. Ah... Bien entendu, elle voulait désormais connaître le mien. Personnellement, je n'avais pas eu de chance niveau prénom.

« Je m'appelle Sheitan autrement dit « Diable, démon ou âme pervertie » en arabe... Je suppose que mes parents ne me désiraient pas ou qu'ils me voyaient comme le fardeau de cette nouvelle vie de jeune adulte. » déballai-je comme si je n'accordais aucune importance.

Oui, j'avais dit ces paroles comme si la situation m'avait toujours laissé indifférent... J'avais toujours agi hypocritement. Appeler son gamin de cette manière, j'avais toujours très mal vécu cette situation au fond. J'avais eu l'impression d'être un monstre pour mes propres parents. Quant aux autres enfants, ils avaient toujours pris soin de me rejeter. Je baissais mon regard sur l'eau dont le reflet se déposait élégamment sur nos peaux, jouant avec de multiples palettes colorées. Je baissais ma main jusqu'à la surface de l'eau, m'amusant à l'effleurer avec ma paume. J'avais toujours eu une certaine fascination pour les quatre éléments, qu'ils s'agisse de l'air, de l'eau, du feu ou bien de la terre. Je vivais dans un monde qui regorgeait de trésors bien que l'Homme les laissait tristement à l'abandon.

« Au fait, tu peux me tutoyer. Je préférerais... Je trouve que le vouvoiement est une barrière entre les gens. J'aimerais qu'il n'y ait pas de barrière entre nous. Les Hommes sont égaux après tout, non? »

Ah, je devais vraiment passer pour une personne bizarre qui aimait se poser des questions qui l'étaient tout autant...

"Même en connaissant sa signification, je le trouve très beau, ton prénom."

Les paroles qu'elle avait prononcé avec cette douceur qui n'était qu'à elle m'avaient touché. A vrai dire, je demeurai quelque peu surpris en les entendant. Mon regard posé sur l'eau avait d'ailleurs laissé transparaître toute cette surprise. Je rentrais doucement la tête dans les épaules, dans l'espoir de cacher ce léger sourire qui trônait désormais fièrement sur mes lèvres. Ah... Les compliments me faisaient toujours sourire, comme tout le monde. Enfin, non puisque tous les compliments ne me touchaient pas. Je savais pertinemment que certains étaient faux et qu'ils avaient pour seul but de me mettre dans la poche de leurs auteurs. Recevoir un compliment qui n'était pas pensé était pire que de ne pas en recevoir. C'était mon sentiment. J'avais toujours été blessé par ce genre de manœuvres.

« C'est... Merci... Tu es vraiment une personne gentille hein... » soufflai-je doucement, rendant presque mes paroles inaudibles.

"Je pense que je m'en souviendrais pendant longtemps.. J'aime beaucoup les prénoms qui sorte de l'ordinaire."

Haa... Comment me mettre dans tous mes états... Je sentais la chaleur prendre possession de mon visage et mon sourire s'amplifier alors par réflexe, comme s'il s'agissait d'un geste dont ma survie dépendait, je me masquai le visage à l'aide de l'un de mes avant-bras, détournant obstinément mon regard sur l'eau afin que mon interlocutrice ne se doute de rien. Ou du moins, qu'elle ne se rende pas compte que je souriais. C'était une lubie étrange qui m'était propre, je ne voulais jamais que l'on me voit en train de sourire. Au fond, inconsciemment, je croyais peut-être que mon sourire était semblable à une malédiction ou quelque chose dans ce genre-là. Mon regard glissa lentement sur le côté, se posant sur la jeune fille. Mon regard croisa le sien et pourtant, je ne tournais pas la tête, laissant cet échange se poursuivre. Alors, avec un charmant sourire, elle me tendit ma veste, d'une main leste, je l'attrapai avant de m'assurer :

« Tu n'as pas froid ? Si jamais c'est le cas, ne t'en fais pas. Ça ne me dérange pas de te prêter ma veste. »

Enfin, si elle me la rendait, ça pouvait tout bonnement être parce-qu'en effet, elle n'avait plus froid. Mais je voulais cependant m'assurer que ce n'était pas par gêne, que je ne l'intimidais pas avec ma manie de toujours tirer la gueule... Il y avait des fois où je ne me comprenais pas moi-même ? Jusqu'ici, j'avais toujours tout fait pour m'écarter des autres mais petit à petit, je commençais à aller vers eux et pire, à prendre du plaisir à leur parler. Haru, elle, faisait partie des personnes avec qui j'avais le plus envie de parler et pourtant, dans ma maladresse habituelle, je ne trouvais rien à dire. Seulement des banalités me vinrent en tête mais je n'avais pas envie de ça. Il avait été question d'une rencontre atypique, je voulais qu'elle le reste. Cependant, afin de connaître autrui, je suppose que l'ont est obligé de passer par certaines coutumes.

«' La fleur parfaite est chose rare. On pourrait passer sa vie à en chercher une, et ce ne serait pas une vie gâchée. ' Je ne sais pas pourquoi mais... Le cadre actuel m'a fait penser à cette phrase. Les fleurs, leur reflet dans l'eau, c'est assez idyllique, non ? »

« C'est vrai que cet endroit est magnifique. »

Je retournais la tête vers elle avec satisfaction. Ah... Elle avait compris ce que je ressentais à ce moment précis. En prononçant ces mots, j'avais eu peur de passer pour un mec extrêmement louche. Et, même si je le dissimulais bien, j'étais heureux qu'elle puisse comprendre ce sentiment de béatitude que je pouvais ressentir en ce moment-même. Mais ma joie s'envola aussi vite qu'un essaim d'abeilles lorsque je vis des larmes perler sur ses joues. J'arquai les sourcils avec incompréhension mais je devais admettre qu'un certain sentiment de fascination pouvait également être décelé dans mon regard. Je n'avais pas de tendances sadiques bien entendu mais je trouvais que lorsqu'une personne pleurait, une aura tout particulièrement douce et belle se dégageait d'elle. Je fixais donc la jeune fille en restant silencieux, mes mains désormais sur mes genoux.

« Je.. je suis désolée.. Il faut que j'y aille... »

Et sans même que je n'eusse le temps de répliquer, elle s'était déjà levée, s’apprêtant à partir. Ah, j'avais peut-être fait ou dit quelque chose qui l'avait finalement mise mal à l'aise... Je serrais le poing, j'hésitais. Si je me contentais de jouer le rôle de ma vie, je ne ferais rien, je resterais spectateur de ma propre vie. Mais, peut-être que je pouvais écrire un scénario où je serais l'acteur principal, là je deviendrais actif, je vivrais ma vie. Encore un instant d'hésitation et finalement, je me levai soudainement et lui attrapai le poignet. Quel imbécile, sur le coup, j'avais oublié qu'elle était blessée à cet endroit. Je la lâchais donc aussitôt, ravalant doucement ma salive. Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire ? Je n'avais pas vraiment compris ce qu'il s'était passé et je la connaissais à peine. Pourtant, je me se sentais terriblement mal en la voyant pleurer. Moi, qui étais d'habitude indifférent à ce genre de choses, qui me fichais considérablement des autres.

« Pourquoi pleurer lorsque l'on peut sourire ? » demandai-je bêtement, un petit sourire forcé marquant mes lèvres.

Pour sourire, je n'étais vraiment pas doué. Et pour transmettre mes émotions, j'étais assez maladroit. Mais je suppose que je faisais de mon mieux et que c'était l'essentiel. Je levai ma main vers elle. Non, hésitation, je ne bougeais plus tout en fixant le sol un instant. J'étais devenu acteur, il fallait que je joue mon rôle. Je fis un pas en avant avec rapidité et mis un bras autour d'elle, posant l'une de mes mains sur sa tête, la serrant avec délicatesse contre moi. C'était étrange, je n'aurais certainement jamais pensé faire ça un jour. Rencontrer une inconnue, avoir de la sympathie pour elle et avoir un contact physique tel que celui-ci avec elle. Je regardais autour de moi, une nouvelle fois. Décidément, les cerisiers de mon pays natal me manquaient.

« Je sais que c'est bizarre qu'un inconnu te prenne dans ses bras comme ça... Mais je suis bizarre de toute façon. Je ne sais pas ce que tu ressens, pourquoi tu pleures mais je sais que tu as besoin de soutien plus que ce que tu ne veux le montrer. Et puis, tu es assez incroyable comme fille. Tu t'es faite agressée par une bande de machos répugnants et pourtant, tu m'as souri comme si de rien n'était. Tu comprends bien que je ne peux pas me permettre de laisser ce sourire disparaître sans rien faire. »

« Heureusement que ses hommes sont venus m’agresser, sinon je ne t'aurais peut être que croisé dans ce parc. »

C'était des paroles dures mais c'était vrai. Si ces hommes ne l'avaient pas embêté, je ne me serais pas approché d'elle et ne l'aurait peut-être pas remarqué. Après tout, je ne faisais jamais attention à ce qui m'entourait. J'étais beaucoup trop occupé à remuer de sombres pensées. Je baissai mon regard sur Haru en hochant doucement la tête, heureux d'avoir pu la réconforter d'une quelconque manière. Les relations humaines, ce n'était pas mon fort. Il y avait toujours un malaise entre les autres et moi, une certaine rancœur également. De la rancœur ou de la haine... Je devais avouer que depuis mon adolescence, j'avais toujours eu un certain mépris pour l'espèce humaine. Oui, du mépris, un dégoût profond... Les Humains m'avaient tellement... déçu.

« Tu penses que c'est une bonne chose ? De m'avoir rencontré, je veux dire... Je ne suis qu'un garçon pessimiste, ennuyant, égoïste et lunatique. Je ne vaux pas mieux qu'un autre contrairement à ce que certains laissent croire. »

De la chance ? C'était plutôt de l'infortune. Je faisais toujours tout de travers et je blessais les personnes qui m'entouraient. C'était toujours le même manège. Je répliquais toujours mes mêmes phrases ennuyantes et j'enfonçais les autres dans leur malheur. Une déclaration d'amour ? Je m'en débarrassais d'un revers de main en prenant de haut son auteur. Une blague ? Je la descendais stupidement à l'aide d'arguments. Un compliment ? Je montrais mon véritable visage. Les gens me représentaient comme une espèce de prince charmant à l'esprit torturé. Esprit torturé, peut-être mais prince charmant... La plupart de mes fans pensaient que j'étais doux, gentil, franc et empathique mais c'était faux... Je l'avais été. Désormais, tout ça n'était qu'une image qu'avait créé mon agent afin de faire grimper ma côte de popularité. Je ne voulais pas le reconnaître mais j'aurais aimé ne pas avoir à changer. J'aurais aimé rester tel que j'étais à cette époque où la vie me paraissait plus belle que jamais. Mon parcours ne m'avait pas facilité la tâche, c'était comme ça. J'avais perdu grand nombre des personnes auxquelles je tenais le plus. J'avais sombré dans la violence et avait été contraint de faire différents sports de combats afin de me contrôler et d'éviter de frapper n'importe qui. J'avais laissé filer quelques mois de ma vie, les passant dans une prison. Mon père mort, j'avais tenté de nouer une nouvelle relation avec ma mère, elle, avec qui je n'avais jamais été proche. Mes parents avaient toujours étaient sympas je suppose... Cependant... Je n'avais jamais été capable de les encadrer. Pour une raison qui m'échappait, je les haïssais. Cette tentative de rapprochement échoua, rendant nos relations encore plus médiocres. Ma mère reprenait de temps à autres contact avec moi. Elle me demandait comment j'allais, si tout se passait bien et au bout d'un moment, mandait de l'argent. Après tout, je roulais sur l'or, je pouvais bien lui en donner un peu, surtout que c'était à elle que je devais ma naissance, disait-elle. Tout ce qui me restait à présent était ma sœur, Yoko. Et même elle, j'avais fini par l'abandonner.

« Il y a des choses que l'on aimerait changer, hein... » soupirai-je douloureusement.

« Tu ne devrais pas parler de toi si durement. Et si tu es comme tu le décris, je préfère que tu restes ainsi, comme celui qui est venu m'aider tout à l'heure et qui m'a aidé. C'est ce Sheitan " pessimiste, ennuyant, égoiste et lunatique " soit disant à qui je dois tant et que j'ai envie de connaître. Pour rien au monde tu ne devrais changer. »

Ce sourire... Son sourire aurait ravivé bien des espoirs dans le pire des mondes. Justement, nous étions dans le pire. Du moins, c'était ce qu'il me semblait. C'était le pire des mondes, seulement, son état n'avait pas encore atteint son point culminent. Mais petit à petit, nous sombrions vers notre triste destinée. J'inspirais doucement, sentant mon cœur se soulever. C'était donc ça... L'effet que ça faisait lorsque quelqu'un vous acceptez tel que vous étiez et non comme on souhaiterait que vous soyez. C'était rassurant. Une sensation douce m'enveloppait tandis que je me délectais du sourire de Haru. Je le voyais bien. Elle était ce genre de personnes là. Le genre à vous redonner confiance en vous, en l'Humanité peut-être. Mais aussi le genre à précieusement cacher ses sentiments en souriant. Elle avait précédemment pleuré, elle avait craqué, chaque Humain possédant ses limites.

« Je ne changerai pas, je n'y parviendrai pas... Mais tu sais, j'aurais préféré modifier certaines choses rattachées à mon vécu. Enfin, qui ne rêve pas de ça ? Et puis, c'est stupide d'y penser, on ne peut pas changer ce qui est fait. »

Je reculais doucement pour m'asseoir à nouveau sur le rebord de la fontaine avant de pencher la tête en arrière pour profiter des doux rayons du soleil. Mes habits étaient parfaitement secs. L'atmosphère était douce avec de légère notes tragiques, je me sentais extrêmement léger... Une brise de vent caressa mes cheveux tandis que je fermais calmement les yeux. Je restais ainsi seulement quelques secondes, le temps de pouvoir me détendre un peu puis me redressa en me massant l'épaule droite. Ah... Je suppose que c'était les inconvénients du métier. Un emploi du temps chargé donc très peu de temps pour soi et de la pression de la part de son entourage. Il n'était pas surprenant que je sois si tendu. Enfin, il fallait voir le bon côté des choses, échanger des poings avec les hommes de tout à l'heure m'avait au moins aidé à me défouler. Tiens, d'ailleurs...

« Dis, ce genre de choses t'arrive régulièrement, non ? Je parle des comportements beaufs. Tu es au lycée, non ? Avec la rentrée, ça risque d'empirer, dans ton établissement. Dans quelle classe es-tu ? »

Décidément, j'avais envie d'en apprendre plus sur elle, de la découvrir. Que se cachait-il donc derrière ce sourire ? C'était un sentiment étrange, une amitié naissante peut-être. Penser de cette façon était inhabituel pour moi. En général, j'évitais le contact avec les autres le plus possible. Tisser des liens avec elle, n'allais-je pas le regretter ? Est-ce que j'avais raison de débuter de cette façon ? Et, quelque part, j'avais incroyablement peur. Peur de ce qui allait arriver. Le changement m'effrayait, je détestais ça. Tout ce que je voulais, c'était d'une routine d'une monotonie extrême. Et en acceptant d'entretenir une relation amicale avec autrui, j'apportais du changement, je trahissais mes principes. Je bafouais tout ce pourquoi j'avais toujours lutté, restait à savoir si je n'allais pas m’autodétruire ou pire, faire du mal à ceux qui m'entouraient.

« Je viens d'arriver en ville il y a quelques jours seulement alors je ne connais pas grand chose à mon nouvel établissement. »

« Ma petite sœur y travaille en tant que surveillante. Elle s'appelle Yoko, tu verras, c'est quelqu'un de gentil. On la reconnaît facilement grâce à ses cheveux roses et à son air espiègle. »

Décidément... Elle venait tout juste d'arriver et on lui donnait déjà un mauvais aperçu de la ville. Enfin, de toute façon, les enfoirés répugnants ça courait les rues. Il y en avait partout et notre ville ne faisait tout simplement pas exception à la règle. Je passais brièvement une main dans mes cheveux afin de remettre quelques mèches en place. Mes paupières me paraissaient lourdes, la fatigue m'envahissant à nouveau. C'était courant en ce moment, j'avais des coups de fatigue, de temps en temps il m'arrivait même de faire un malaise mais ce n'était rien de grave. Il fallait juste que je dorme un peu plus, pas de quoi en écrire toute une histoire.

« Eh bien, je suis acteur, mannequin et scénariste... Mon nom de scène est Cheg Arsky. Peut-être que tu en as déjà entendu parlé. Je suis plutôt populaire auprès des prés-ado et des adolescentes aux hormones en ébullition... »

J'avais prononcé ces mots sur un ton relativement lourd, comme si je voyais tout ça comme un échec. Après tout, pour moi, c'en était un. J'aimais créer des histoires et jouer mais ce monde fait d'illusions m'avait dégoûté. On nous berçait dans du fric jusqu'à ce qu'on en étouffe alors que des gens crevaient de faim tous les jours. En faisant ce métier, je faisais partie des affreux rouages de notre société et contribuais à la rendre encore plus laide et malsaine qu'elle ne l'était déjà. Je lâchai un petit soupir avant de planter mon regard dans le sien. J'avais du mal à m'en détacher, je devais bien le reconnaître. Doucement, je glissais une main sur ma nuque en pensant à mon apparence. Ah, je devais vraiment ressembler à un zombie. Tout d'abord, j'étais aussi lent que cette créature et je manquais cruellement de motivation pour quoique ce soit et ensuite, quand il m'arrivait de dormir, je dormais mal alors... Au moins, mon apparence et mes manies s'accordaient parfaitement... Je baissais lentement la tête avant de fouiller dans ma poche. Ah, elles étaient là, parfait. J'avais hésité à cause des risques puis m'étais décidé, j'allais les prendre. Il suffisait que je fasse attention, tout simplement. Je me levai soudainement en arquant un sourcil.

« J'ai un soif... Il y a un petit bar sympa dans le parc, on y va? Enfin, tu dois avoir d'autres choses à faire que de déambuler avec un gars qui est loin de respirer la joie de vivre comme moi...»

Quel garçon sociable je pouvais être à cet instant même, c'était réellement effrayant, comme si j'avais simplement jeté ma propre personnalité aux oubliettes.

Je fixais Haru, guettant une quelconque réaction de sa part. A vrai dire, je m'attendais aux réactions habituelles, aux réactions de personnes qui agissaient par intérêt ou par fanatisme peut-être. Les cris hystériques, les rougissement, les bégaiements ainsi que les légers tremblements étaient devenus mon quotidien aussi triste soit-il. J'avais ainsi appris à me méfier de mon prochain, à le mépriser profondément et peut-être même à le haïr. Tous mes souvenirs demeuraient malheureusement intacts. Je me les remémorais douloureusement afin de ne pas oublier à quel point l'Humain était pourri. Avant même de venir au monde, j'avais été renié. C'était ainsi, mon destin avait été comme gravé sur une pierre. Ironique pour une personne qui s'obstinait à rejeter une telle chose, qui se battait désespérément contre cette hypothèse. Je me battais contre cette destinée beaucoup trop tumultueuse.

« J'adorerais passer plus de temps en ta compagnie ! »

Je scrutais son visage avec attention, guettant des signes pouvant m'indiquer ses intentions, ses mensonges. Mais l'éclat de ses yeux m'indiquait une profonde sincérité... Je détournais finalement mon regard du sien, tournant mon visage à l'opposé en le cachant à nouveau à l'aide de mon avant-bras. Qu'est-ce que je camouflais ? Mon sourire, encore et toujours. Un sourire fier et réconforté. Je refusais bien entendu qu'on puisse me voir avec une expression pareille. Je ne voulais pas que l'on me voit comme une personne souriant ou bien intentionnée. Je voulais que l'on me voit tel que je me voyais, tel que j'étais réellement. Un Humain qui ne méritait pas plus de vivre qu'un autre, bien au contraire en fait.

« Ah... Je... commençai-je avant de tiquer en faisant une petite grimace. C'est le cas de la plupart des personnes que je connais. »

Ma phrase avait commencé sur un ton mélodieux avant de s'écraser dans des sonorités sèches. En effet, j'avais fait preuve d'une certaine froideur à l'égard de l'adolescente. J'allais lui répondre ce serait un plaisir partagé mais comment pouvais-je faire une telle chose ? Comment pouvais-je changer à ce point en un laps de temps juste parce-que la chaleur qu'elle émanait me réconfortait. Je ravalais discrètement ma salive, moi-même blessé des paroles que je lui avais adressé.

« Mes amies adoraient te contempler sur des magasines au lieu d'écouter les cours ! Je me souviens qu'elles s'extasiaient sur toi pendant que moi, au lieu de me comporter comme une ado normal,  je me disais simplement que ton travail devait être stressant.. » 

Haa... Comment pouvais-je ne pas ressentir une certaine affection pour une personne aussi bienveillante ? Mes précédentes paroles avaient dû la blesser. Je les regrettais et en même temps, je me félicitais de les avoir dites. De cette façon, j’érigeais une barrière entre nous. Je le faisais avec tout le monde, par précaution. Depuis un certain accident, j'étais ainsi. Les Humains me voulaient tous du mal, je ne devais faire confiance à personne sauf à ma sœur... Les Humains allaient essayer de nous détruire, elle et moi. Ah, la paranoïa, c'était peut-être un effet des amphétamines que je prenais...

« Stressant... Oui, ça l'est. Le plus embêtant est que je suis loin de ma famille, enfin, de ma sœur. Je la vois rarement et j'ai un emploi du temps très chargé... Mais bon, en contrepartie, je suis idolâtré et friqué... »

Être une idole, je l'avais classé dans les qualités bien que je n'en avais absolument rien à faire d'être regardé et aimé de tous. Friqué ? Bah, je n'étais matérialiste. Si je gagnais de l'argent, c'était uniquement pour ma mère, elle, qui ne m'aimait que pour ça. Et pour ma sœur, pour qu'elle soit heureuse que je sois son grand frère. Je tentais de me racheter. Être ma sœur, être de mon sang devait être humiliant. Je méprisais les Humains et j'étais pourtant le plus méprisable...

« Ah .. mais je n'ai pas d'argent sur moi.. » 

« Baka... J'en ai, moi. Je pourrais te payer des boissons tous les matins comme ça durant toute ta vie avec le patrimoine que j'ai... »

Mon avant-bras allait parer ma bouche mais je le freinai et montrai finalement au grand jour, un sourire amusé à la jeune fille. Était-ce le bon choix ? Essayais-je de sympathiser avec elle ? Ou alors de me racheter pour mon comportement froid ? Décidément, je devais paraître extrêmement lunatique à tirer la gueule pour finalement aller dans les extrêmes en montrant un sourire...

"Je ne sais pas si on peut tourner le dos à sa famille au dépend d'un métier bien friqué, aussi important et stressant soit il. Et puis.. quelle satisfaction peut-on ressentir à être adulé par des inconnus ? ...." 

Je suppose que c'était ainsi que les personnes normales réagissaient et pensaient. Quand on avait grandi dans une famille épanouie, on avait de l'affection pour elle et on souhaitait ne jamais avoir à s'en séparer. Voilà des émotions que je n'avais jamais connu et que je ne connaîtrai jamais. L'attachement familial, je n'en avais pas été une victime quant au fait d'être adulé... Je n'avais jamais jugé ça comme quelque chose de bon mais je l'avais classé dans les avantages parce-que la plupart des gens pensaient que c'était une bonne chose.

« Je n'ai pas beaucoup de famille. Mes parents ont coupé les ponts avec le reste de notre famille en s'installant en France. Mon paternel est mort quand j'avais seize ans et ma mère... Le seul moyen que j'ai trouvé pour qu'elle ait de l'affection et de lui rapporter la seule chose qui l'intéresse chez moi : mon argent. Quant à ma petite sœur... Je ne mérite pas de la voir sourire, de la souiller en posant mon regard sur elle. Et, je n'ai jamais ressenti aucune satisfaction en étant admiré par les autres. Après tout, je déteste les Humains. »

L'espèce Humaine, je lui vouais une haine sans fin, une haine dépassant même l'entendement. Les Humains étaient tous les mêmes, ils ne voulaient tous qu'une chose : faire du mal à autrui.

"Ah mais non ! Je ne peux pas te laisser payer ! Enfin ... Euh...j'accepte mais à condition que je paye la prochaine fois alors !"

Je haussai les épaules, ça m'était égal de payer ou non. La plupart des personnes que je rencontrais prenait mal mes intentions, ils pensaient que je me sentais supérieurs à eux et que je les méprisais mais c'était faux. La vérité était telle que je pensais simplement qu'il était inutile de gaspiller leur argent alors que des gars comme moi étouffaient sous les billets de banque. Ce n'était pas comme si j'avais prévu de me faire enterrer avec cet argent. Une fois mort, à quoi me servirait-il ? Autant le dépenser un maximum en faisant plaisir aux autres, non ? Enfin, mon raisonnement était celui-ci...

« Si tu y tiens... Mais ne te sens pas redevable. Je me fiche complètement de l'argent même s'il me permet de susciter l'intérêt de ma génitrice. »

Mes paroles s'étaient faites lasses, je prenais soin de gardais le fait que ce sujet me blessait. Je faisais comme si l'indifférence de ma mère ne m'avait jamais touché, comme si ça m'était égale mais c'était faux. Ouais... J'aurais bien voulu avoir une mère qui me porte de l'intérêt. J'entamais finalement la marche, les mains dans les poches de mon pantalon et le regard porté sur le sol, mon visage était habituel, autrement dit, inexpressif. J'avançais avec une certaine nonchalance aux côté de Haru. Je me posais des tas de questions sur elle. L'une d'elle m'échappa. J'avais envie d'apprendre à la connaître, je prenais ce risque en sachant cependant que c'était une mauvaise chose pour une personne telle que moi.

« Donc, tu as une bonne situation familiale ? Pas de problème de famille, d'argent ou bien encore de problèmes pour te faire des amis ? Ce sont des questions indiscrètes, pardon. »