Ma première matinée en tant que professeur, j'me demandais c'que ça allait être... M'enfin bon, c'était pas non plus comme si je stressais à mort. J'aimais bien faire des monologues devant une troupe d'adolescents ou alors écouter leurs conversations, très instructives en passant... Nan j'plaisante, la plupart de leurs sujets de conversation étaient vraiment désespérants. J'dis ça mais je les lâchais pas pour autant. Que leur niveau soit bon ou mauvais je m'en fichais, je laissais jamais un élève de côté. Certains profs' ne supportaient pas les cancres et les viraient de cours. Personnellement, je préférais les aider plutôt que de les regarder de haut.




7h45, j'étais en avance ce matin. Je poussai un léger soupire tout en ouvrant doucement la porte de classe dans laquelle je devais donner cours. J'observais la salle avec attention. C'était assez amusant d'être prof et pourtant, de détester les salles de classe. J'avais tendance à les percevoir comme des cages dans lesquelles on emprisonnait des gamins incompris ou ce genre de choses-là.

J'avançais donc dans la salle, me dirigeant vers le bureau qui m'était destinait. Je posai quelques bouquins sur ce dernier et me débarrassai de ma veste. Alors, je fis quelques pas, passant entre les tables tout en les effleurant du bout des doigts. A cet instant, mon portable sonna, je venais de recevoir un message. Et c'est sans surprise que je découvris qu'il était de ma soeur.

"Reviens s'il-te-plaît. Papa est très inquiet, tu ne nous as rien dit. Tu as pris la fuite du jour au lendemain sans même nous écrire une lettre. Et surtout, sans essayer de nous contacter pour nous donner de tes nouvelles. Maman croit que tu la déteste. Et moi... Je m'en veux, je sais que c'est à cause de moi."

Je soupirai et effaçai le message. C'était une situation inconfortable et je ne savais vraiment pas comment m'y prendre. Ca me paraissait tellement plus facile de partir comme ça sans adieux déchirants. Je devais tout de même avouer que ça m'avait bien embêter. J'aimais beaucoup mon père, je m'entendais vraiment bien avec lui et quant à ma belle mère, je l'adorais, elle aussi. Mais ces deux-là auraient-il supporter de voir un prétendu fils leur prendre leur fille comme si de rien n'était? Non, ils me détesteraient alors, autant renoncer. Je ne voulais pas perdre leur estime de cette façon. En fait, il fallait que je quitte le devant de la scène mais de façon classe.

Après un débat intérieur, je décidai finalement de lui répondre:

"Oubliez-moi. Vous n'êtes que des crétins finis, j'en ai rien à battre de vous, moi. Tout ce que j'ai fait, les moments que j'ai passé avec vous, je n'avais qu'un seul but: profiter de votre stupidité. Et ouais, qui s'en ai mis plein les poches? C'est moi."
Au fond, je savais parfaitement qu'ils ne seraient pas dupes et que, même si tout ça était vrai, ils s'en ficheraient complètement. Mais bon, j'étais vraiment pas crédible de leur dire que je faisais tout ça pour le frique puisque je leur envoyais un chèque tous les mois...

J'entendis soudainement la porte grincer, quelqu'un entrait! Je rangeai précipitamment mon portable dans ma poche et me retournai pour faire face à la personne qui venait de pénétrait dans la classe.

Je fixais avec attention l'inconnu qui venait d'entrer, et vu son apparence, j'en déduisis que ce n'était qu'un élève. Non pas que je possédais un détecteur d'âge incrusté dans le cerveau mais bon, je pouvais au moins affirmer qu'il avait moins d'une vingtaine d'années. Après qu'il m'ait salué, je fis de même en souriant et m'assis à mon bureau. De ma place je l'observais avec attention, il avait un style hors norme, ce qui ne pouvait qu'attiser ma curiosité.

Il prit alors son calepin et c'est à cet instant que je pu distinguer la couleur de ses yeux. Ils étaient vairons. J'en étais presque jaloux, mais bon, je me consolais du mieux que je pouvais en n'y pensant plus. Oui j'examinais mon élève sans la moindre gêne, s'il y avait bien quelque chose qui me plaisait, c'était d'observer les autres, allez savoir pourquoi d'ailleurs.

Bien que j'aimais tout particulièrement le silence et les bienfaits qu'il apportait, je décidai finalement de le rompre pour faire remarquer:

Tu es arrivé bien tôt. Bon, moi aussi tu me diras mais je suppose que mon cas est différent puisque je suis un nouveau professeur. Et pour ne rien te cacher, j'avais peur de me paumer dans les couloirs... Mais aussi de me faire rabâcher par la directrice que je suis un jeune homme majeur et surtout un professeur, et non un ado qui fait sa crise de puberté...

Voila que j'étais lancé dans mon élan, et une fois parti, j'avais du mal à m'arrêter et avais une fâcheuse tendance à poser des questions ou alors à déblatérer des banalités. Comme je venais de l'expliquer, croiser la directrice n'était pas une bonne chose pour moi. Mon look gênait souvent mes employeurs ainsi que mes collègues. Personnellement, je me sentais parfaitement bien comme j'étais et être trop formel creusait un faussé entre professeurs et élèves. D'une certaine façon, il me semblait que mon style à part me rapprochait de mes élèves. Enfin mon caractère de sale gamin ignare et boutonneux aussi mais bon...

Finalement, je posai mon regard sur son carnet, cette fois-ci. Apparemment, il avait écrit dedans et la curiosité étant l'un de mes plus grands défauts, je mourais d'envie de savoir ce qu'il contenait. Mais je me retins de lui demander, après tout ce n'était pas mes affaires et si jamais il avait s’agit de quelque chose d'intime, je me serais trouvé bien stupide. Du coup, je tentais de m'épargner ce supplice en engageant une nouvelle fois la conversation -oui j'adorais raconter ma vie-:

Au fait, je ne t'ai pas dit mon nom. Je suis Ander Skyel mais je préfère que mes élèves m'appellent par mon prénom, j'ai l'impression de prendre un coup de vieux à chaque fois que l'on me sort un "M. Skyel"... Et toi, tu es..?

Certains professeurs voyaient mal le fait de se laisser appeler par son prénom. Ils pensaient que ça enlevait la barrière entre professeurs et élèves et croyaient qu'après ça, les élèves ne nous montraient plus leur respect et qu'ils se croyaient tout permis. C'était peut-être vrai mais je m'en fichais, je voulais juste me la jouer à la Peter Pan et ne jamais grandir.

Je fixai le lycéen qui était désormais mon élève avec attention. Pour moi, il était comme un spécimen encore jamais vu. Pas à cause de son style mais simplement parce-qu'il était mon premier élève et que d'une certaine façon, c'était assez magique pour moi.

Après lui avoir fait remarquer qu'il était arrivé bien tôt, il m'expliqua:

- Ah ah
oui, je sais mais vous savez mon frère tient la boutique de vêtements
dans le centre-ville et se lève de très bonne heure. Du coup, moi aussi
je me lève à l'aube et malheureusement pour moi, je ne fais pas partie
de cette catégorie de personnes qui arrivent à se rendormir après un
premier réveil alors vous risquez de me voir souvent arriver de bonne
heure en classe ...mais je ne suis pas le seul car au moment où je vous
parle, j'ai mon meilleur ami qui est en train de se fumer une cigarette
sur le toit du lycée. Quant à la directrice, il ne faut pas trop vous en
faire car s'il y a bien une chose sur laquelle elle aura pu avoir à
redire, ça n'aurait pas été sur votre éventuel retard non mais plutôt
sur votre tenue qu'elle n'aurait pas jugée adéquate au poste que vous
occupez^^. Mais moi, personnellement, votre tenue ne me dérange pas , je
la trouve plutôt très originale et je suis certain que votre style
vestimentaire plaira à Castiel .

Et voilà qu'un tas de questions plus farfelues les unes que les autres se bousculaient dans ma tête. Je mis de côté les plus bizarres et fis donc le tri. Je me retrouvais désormais avec pas mal d'informations sur cet élève. Tout d'abord, il avait un frère. Un frère ainé puisqu'il tenait une boutique de vêtements. Une boutique que je m’empresserai sûrement d'aller voir et ce, sans raison apparente finalement. Deuxième élément, il avait un ami nommé Castiel. Ce devait être un très bon ami pour qu'il sache ce qui ressemblait à une habitude de fumer une cigarette sur le toit en ce qui concernait le dénommé Castiel.

Aaah la directrice... Si j'avais pu l'éviter le plus possible, ça m'aurait bien arrangé. Mais bon, je savais bien qu'elle ferait preuve de clémence étant donné que l'on accorde souvent moins d'importance aux professeurs de matières secondaires comme moi par exemple. De plus, elle saurait certainement se montrer coulante puisqu'elle me connaissait vaguement en dehors de l'établissement. Non pas que je trainais avec des personnes plus âgés à côté de mon travail mais disons que je connaissais bien sa nièce, avec qui j'avais fait mes études.


Après quoi, je me présentais simplement et appris le nom de mon élève. Lysandre. C'était sympa comme prénom et ça lui collait bien à la peau, c'était aussi original qu'il l'était en fait. Un nouveau silence que cette fois-ci, Lysandre se chargea de balayer en constatant:

- Je peux me tromper mais mon carnet rouge et son contenu semblent vous intriguer depuis quelques minutes...

Et paf! Il avait visé dans le mille. Ma curiosité n'avait de fin et depuis un moment déjà je devais me tortiller dans tous les sens pour la contenir. Finalement j'éclatai avec un léger sourire:

Tu as bien vu! Je suis d'un naturel curieux alors bon... D'ailleurs maintenant que tu le dis, je vais en profiter pour te demander ce que ton carnet, qui me nargue depuis tout à l'heure, contient donc? Ah et je précise au cas où, tu n'es pas contrains de me répondre.

Bah ouais j'avais pas l'intention de le torturer quand même. Même le plus grand sadique de tous les temps savait parfois s'abstenir. Je m'assis sur le rebord de mon bureau en arquant un sourcil, attendant la réponse de Lysandre.