Il n'y avait rien de plus dangereux que l'ennui. Pas parce que je ne faisais rien quand je m'ennuyais, non, c'était même ma meilleure occasion de prendre du repos. Parce que mon esprit entrait en ébullition. Parce que le Chaos, furieux d'être désoeuvré, s'agitait en moi comme jamais. Ca, c'était périlleux. Le Chaos était une force au goût d'absolu.

C'était parce que je le sentais enragé dans mon esprit que j'avais décidé de sortir, malgré la nuit tombée. J'avais pris mon beau katana, celui que Shirokân m'avait tout spécialement fait forger quand j'avais commencé à travailler avec ce type d'armes. Les kanjis gravés dans la lame ne la fragilisaient pas, mais ils étaient une malédiction destinée à épouvanter les ennemis à même de la lire. C'était un objet aussi mortel que magnifique.

Je me promenais donc de nuit dans le parc, mais je n'étais nullement effrayée. Ni en danger d'ailleurs. J'avais un permis pour cette arme, et toutes celles que je conservais à la maison. Je songeais à m'arrêter dans un espace vide, pour pratiquer. Non, en fait, c'était exactement ce que j'allais faire. Cela faisait trop longtemps que je n'avais plus fait d'exercices. Et le Chaos s'en satisferait fort bien.

Mais quelque chose contraria mes plans. Une bande de voyous. Ils étaient trois, resserrés autour d'une jeune fille, à la magnifique chevelure rousse. Ils l'insultaient. J'avançai de quelques pas, silencieusement, me fondant dans les ombres. Prête à intervenir. Je dégainai, sans le moindre bruit. Puis j'identifiai le chef de bande. J'étais tranquille, patiente. Je ne pouvais tolérer ce comportement. 

Soudain, je bondis, toute en souplesse, tirant le chef vers l'arrière, par les cheveux. Avant que l'un de ses deux sbires puisse intervenir, je posai le tranchant de mon katana sur la carotide de celui que je tenais. J'étais toujours terriblement calme, mais il y avait une étincelle de haine pure dans mon regard. 

- Dans deux secondes, je vais baisser mon sabre. Si vous ne partez pas immédiatement après, je vous tue tous les trois. 

Pour montrer que je ne plaisantais pas, j'entaillai légèrement la gorge de l'homme. Pas assez pour déclencher une hémorragie, assez pour lui faire mal. Et, après deux secondes de flottement, j'abaissai la lame. Lentement. Je ne tolérais pas que des hommes agressent une femme.

- " Merci beaucoup pour ton aide ! Dois je me taire ou puis je savoir ce que fait une demoiselle le soir avec un Katana sous le bras ?"

Calmement, je jaugeai la demoiselle. Elle n'était pas blessée. Un poids s'ôta de mes épaules. Je savais soigner, mais je préférais ne pas avoir à le faire. Trop peur de faire une erreur... De ne pas savoir que faire. Les doutes étaient le pire des poisons, dans une vie humaine. Et je ne cessais jamais de douter. Même si c'était inutile, même si cela paralysait mon esprit.

- Elle se... Promène. Sans doute.

D'un mouvement fluide et précis, je rengainai l'arme mortelle. Le calme m'était revenu. Et le sang n'avait pas souillé ma lame. Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, je n'aimais ni blesser ni tuer. Le Chaos aimait ça. Moi, ça me laissait... Indifférente. Je ne comprenais pas la violence humaine, celle que j'avais tant observée. Je ne comprenais pas ce qui les motivait à blesser, tuer, violer. 

- Viens. Il vaut mieux ne pas rester là. Je connais un petit restaurant qui reste ouvert toute la nuit.

Je tournai les talons, et fis quelques pas. Elle ne me suivait pas. Je soupirai.

- Je ne vais pas te faire de mal. Suis-moi, s'il te plait.