{. Image: Kayane Nomura.

Aujourd'hui, je n'avais pas grand-chose à faire... Je venais d'emménager dans mon nouveau "chez moi". Pas très confortable, ça ressemblait à une chambre d'hôtel miteuse. Mais c'est tout ce que je pouvais me payer pour le moment. Il fallait que je trouve un petit boulot histoire de gagner ma vie, ça devenait urgent. Vital.

Mes grands yeux bleus marines observaient le plafond grisâtre de la chambre dans laquelle je me trouvais. Il n'y avait que le strict minimum pour vivre. Une petite cuisine, des toilettes, une salle de bain et une chambre. Même pas de salon. M'enfin, je m'en fichais un peu. Cet endroit me faisait office de dortoir, sans plus. Je jetais un coup d'oeil par la fenêtre, à ma droite. Le vent ne cessait de gronder, exprimant sa colère sans que quiconque ne puisse l'arrêter. C'était le début de l'après-midi et pourtant, on se croirait en fin de soirée. Les nuages sombres et menaçants en était la cause.

Je me levais lentement, passant une main dans mes cheveux pour les démêler. Je m'approchais d'un pas las et fatigué de la fenêtre et observais, d'un air distrait, les personnes présentes dans la rue. Les arbres peinaient à rester droits, tout comme les habitants de ce petit quartier qui eux, luttaient pour ne pas s'envoler. Sombre journée qui me paraissait si longue, s'étirant, s'éternisant à mon plus grand désespoir. Je m'ennuyais à en mourir. Les nuages menaçants avaient finit de couvrir le ciel, pas le moindre rayon doré ne parvint à traverser l'épaisse nuée noire, annonçant une pluie battante. Et pourtant mes chers amis, c'est à ce moment-là que je pris la décision de sortir. Ou plutôt, c'est mon estomac qui me fit remarquer que je n'avais rien avalée de la journée. Il fallait donc que j'aille me chercher à manger, sinon j'allais m'écrouler lamentablement sur le sol, comme une vulgaire larve.

C'est ainsi que je quittais ma contemplation de la rue qui me faisait face pour me diriger vers mon armoire. Ouvrant la porte de cette dernière, je pris un pull de couleur violet suivi d'un gilet d'à peu près la même teinte. Je posais le tout sur mon lit et me retourna, empoignant cette fois-ci un jean de couleur foncé. Direction la salle de bain ! Je pris l'ensemble de mes affaires et alla me changer. Dans mes yeux se reflétait l'image d'une jeune fille aux longs cheveux noirs et aux grands yeux mélancoliques: moi. Mhh... Fallait-il que je me maquille un peu ? Histoire de paraître moins fatiguée ? J'approchais mon visage du miroir. Pas de cernes. Mh'bof, je n'avais pas besoin de me maquiller, j'étais très bien au naturel.

Un long soupire s'échappa d'entre mes lèvres. Retournant dans ma chambre, je mis mes baskets, pris mes clefs et un peu d'argent. Je fermais la lumière de la pièce principale (ma chambre, donc.) et sortis de chez moi en prenant soin de fermer la porte d'entrée à clef. En sortant je croise mon voisin, il me salut et je me contente de lui répondre avec un bref hochement de tête. Flemme de sourire, il devait se contenter de ça ! Je m'apprêtais à descendre les escaliers quand mes yeux se posèrent sur la rampe de ces derniers. Cette fois-ci, un sourire de gamine s'afficha sur mon visage. * Tobbogaaaan ! En plus, j'ai vraiment trop la flemme de descendre tous ces étages. Haha ! *

Et voilà comment je m'étais retrouvée à moitié assise sur la rampe de l'escalier, me laissant glisser. Plus les secondes passaient, plus je gagnais de la vitesse. J'apercevais bientôt la fin de l'escalier qui donnait sur le hall de l'immeuble.

{. Yataaaaa ! Kakkoooiiii !

Beuglais-je en japonais d'une voix enfantine. Bon en gros, j'ai dis que c'était super. J'avais faillis me prendre le mur en descendant de la rampe tant j'avais pris trop de vitesse, sous les yeux ahuri de la concierge.

{. D-désolé ! La prochaine fois je descendrais les marches de l'escalier comme une personne civilisée !

J'avais repris mon air sérieux. Ouais j'étais une vraie gamine au fond, mais fallait pas déconner. Un peu de sérieux voyons. Je sortis du hall et le vent me fouetta le visage. Ah ouais, je l'avais oublié celui-là. Bah tant pis, fallait faire avec. de toute façon le chemin de l'épicerie n'était pas très long. Six minutes et trente deux secondes à pieds. J'ai compté. Oui je passe pour une folle, mais j'en ai rien à foutre de votre avis, chers lecteurs.

"Un kilomètre à pieds, ça use, ça use..." fredonnais-je en fixant le sol, continuant de marcher d'une démarche enfantine et hésitante. J'avais l'air d'une gamine, comme d'habitude. Mais les apparences sont toujours trompeuses, voyez vous. N'empêche. "Un kilomètre à pieds, ça use, ça use...", c'est de la merde cette comptine. Les Français sont bizarres. Quoique dans mon pays nous avons nous aussi notre lot de chansons moisies. Vous êtes pardonnés pour cette fois, chers français.

Ah, j'étais arrivée à l'épicerie.

{. Konnichi... je m'arrêtais dans ma phrase, Euh je veux dire, bonjour !

Bon, j'avais encore quelques petits problèmes pour passer du japonais au français. Le vendeur me regarda l'air de dire "achète ce que t'as à acheté et barre toi". Eh bien, les gens ici étaient sympa ! Moi, je faisais un effort pour me montrer social et voilà comment on me "répondait". Je n'avais pas aimé son regard méprisant. *Aller calme toi, tu vas quand même pas tout démonter hein ?* me dis-je à moi-même.

J'allais dans le rayon des boissons. L'épicerie était assez petite (bon c'est normal, c'est une ÉPICERIE en même temps, heeein.) mais rien de bien gênant. Ah... Si, il y avait quelque chose de gênant. POURQUOI CET ABRUTI A-T-IL MIT LES BOUTEILLES D'EAU TOUT EN HAUT ? Normalement, les bouteilles c'est en bas, en bas ! Bordel ! Bon. J'essayais d'en attraper une, c'était peine perdue, j'étais trop petite... Même en me mettant sur la pointe des pieds, j'effleurais à peine une des bouteilles. J'avais l'air d'une enfant à ce moment-là, c'est chose sûre. Je tournais la tête. J'avais besoin de cette eau, celle de mon appart' avait une teinte bizarre, je ne pouvais pas me risquer à boire cette merde.

C'est là que je vis une jeune fille aux longs cheveux bruns, évidemment, elle était plus grande que moi. *Bon aller, tu auras l'air d'une nunuche mais c'est pas grave !*. Je me dirigeais vers elle, essayant de cacher ma timidité.

{. Sumimasen, dites, pourriez vous m'aider ? Je n'arrive pas à attraper ces bouteilles d'eau en haut de ce rayon, je suis trop petite...

Je me grattais l'arrière de la tête. Foutu timidité. Je la regardais dans les yeux, passant ma main dans mes cheveux noirs de jais l'air de dire "excuse moi d'être une paumée heein !" Ma petite bouille mélancolique accentuait mes traits fins, j'étais sûre de passer pour une gamine de treize ans... Galère...

Après ma phrase, j'entendis clairement le long soupire de mon interlocutrice. Sur le moment, je me sentais un peu de trop ! J'aurai peut-être mieux fait de me débrouiller toute seule... Encore une fois, j'eus la forte impression de déranger. Je fixais de mon air sérieux habituel les yeux bleus de la jeune fille. Ils étaient plus clairs que les miens, infiniment plus jolis, pensais-je. Finalement, je détournais le regard, ne savant plus trop où me mettre. Mon fort caractère se trouvait actuellement ensevelit sous la timidité. Eh ben, c'était pas gagné !

{. Alors, d'abord, tutoie-moi. Quand on me vouvoie j'ai l'impression d'avoir dix ans de plus. Bon alors, tu veux les bouteilles d'eau hein... Pff! C'est vachement haut ton truc! T'es sûre que tu veux pas du soda plutôt? M'enfin, je vais essayer mais je te promets rien.

Hein ? La tutoyer ? Mais je ne la connaissais pas ! J'arquais un sourcil, une mine surprise gagna mon visage. J'étais peut-être bien trop habituée au climat strict qui régnait au Japon. En trois ans passée ici, il est vrai que je n'arrivais pas à m'habituer aux habitudes françaises. Et là, que devais-je faire ? M'excuser ? Ou simplement acquiescer ? Je baissais légèrement la tête, regardant timidement mes baskets. Au moins, elle avait l'air serviable, en espérant qu'elle ait plus de chance que moi pour attraper ces satanés bouteilles d'eau !

L'inconnue tenta donc elle aussi sa chance. La mission était périlleuse, comment attraper ces bouteilles démoniaques (oui, je m'égare un peu) ? Je l'observais. Elle se mit sur la pointe des pieds et essaya d'atteindre le petit rayon mais, c'était peine perdue. J'avais envie d'aller chercher le commerçant et de lui encastrer la tête dans une table !

{. Si vous... Tu n'y arrives pas, c'est pas très grave ! Je boirais autre chose.

C'était bizarre de tutoyer une inconnue. Je n'avais jamais fait ça auparavant. Sauf pour manquer volontairement de respect à quelqu'un ! Et sur le moment, ça peut vous paraitre TOTALEMENT stupide, mais j'avais l'impression de lui manquer de respect. C'était affreusement gênant, d'autant plus qu'elle s'était donné la peine de m'aider. Tiens, elle paraissait essoufflée. Elle se courba, comme si elle venait de faire un marathon et empoigna ensuite une orange. *une orange...? Pourquoi ?* Je penchais légèrement la tête, intriguée. L'inconnue haussa la voix:

{. Rien ne me résiiiiiiiste!

Eeeh ? J'eus à peine le temps de me reculer qu'un grand bruit retentit dans toute l'épicerie. L'orange frappa de plein fouet le groupe de bouteille d'eau. Elle avait été lancée avec une telle puissance que les bouteilles commençaient à perdre l'équilibre et PAF ! Elles se mirent à tomber. En tombant, elles entraînèrent les autres produits qui se situaient dans les rayons en dessous. Cannettes et autres bouteilles heurtèrent le sol. J'écarquillais les yeux. L'inconnue prononça un mot que je ne compris pas tout de suite. "Avalanche". Ça faisait référence à la neige, non ? Alors pourquoi l'avait-elle... Aaah ouiii ! Je venais de comprendre l'allusion métaphorique. Nan, j'ai pas un cerveau lent !

{. Waaaaahhh ! C'était GÉNIAL !

Avais-je dis en sautillant sur place, en l'applaudissant. Ça, ÇA c'était une fille bien ! Jamais je n'aurai eu l'idée de balancer une orange dans le tas de bouteille. Un peu comme au bowling ! Je me baissais pour prendre trois bouteilles d'eau. Voilà, je n'avais pas besoin de boire l'eau bizarre qui s'écoulait du robinet de la cuisine ! En me relevant, je vis une canette étrange. Elle était rouge et blanche et je n'arrivais pas à lire la marque du produit car des fioritures étaient présentes dans la typographie.

{. Mhh, c'quoi ça...?

Murmurais-je à moi-même. Je crois que ça s'appelait du "coca", ou un truc du genre [Les aventures de Kayane: La découverte du coca. xD]. J'avais jamais goûtée ça de ma vie. Détachant mon regard de la canette étrange, je levais les yeux vers l'inconnue serviable (surnom de la mort qui tue, avouez).

{. Merci ! T'as l'air plutôt cool, tu sais ? C'est quoi ton prénom ? Moi c'est Kayane, KayanÉ Nomura.

J'avais bien insisté sur le "é" à la fin de mon prénom. J'en avais vraiment marre que les gens se trompent en faisant une erreur de prononciation. Certain même faisaient exprès de mal le prononcer uniquement pour m'agacer. Pitoyable ! Enfin bref. J'étais tellement absorbée par ce début de conversation que j'avais oubliée que l'épicier était lui aussi présent dans le magasin. Il avait dû entendre le vacarme qui venait du rayon des boissons. Argh mince, voilà que j'entendais les pas du commerçant qui se dirigeait vers nous. Quel abruti, il ne pouvait pas se mêler de ses affaires, celui-là ? Quoique, c'était son magasin... Je me retournais lentement, voyant la silhouette de l'homme qui s'approchait de nous.

L'inconnue, après m'avoir expliquée ce qu'était la boisson trèès étrange qui était tombée sur le sol, se présenta à son tour. Dalyan, c'était un joli prénom, peu commun me semblait-il. Je me contentais de hocher la tête, et souris quand j'entendis qu'elle avait insisté sur le "é" de mon prénom. J'allais répondre un "enchantée" mais je n'eus bien évidemment pas le temps de le faire, puisque le commerçant était déjà arrivé en mode "je vais vous bouffeeeer !!". Alors, fallait pas qu'il commence à m'énerver celui-là, parce qu'en arrivant il n'avait pas été très aimable avec moi. J'étais sur le point de lui répondre vulgairement, pensant même me servir de l'orange de tout à l'heure pour moi aussi, jouer au bowling en me servant de la tronche du mec comme quille principale. Mais heureusement que Dalyan répondit avant moi, sinon nous risquions de nous attirer des ennuis. Quoique, pour être tout à fait honnête, je m'en fichais royalement.

{. Commencez pas à beugler, je prend le tout de toute façon. Et puis, soyez reconnaissant, on vous fait vivre quoi! Du coup, j'voudrais un sac pour porter tout ça.

Je levais la tête vers le "taureau" qui ne savait même plus où se mettre suite à la réponse de la brune. Il lui donna un sac pour qu'elle puisse commencer à ranger les bouteilles. C'est là que la phrase me montait leentement au cerveau. Quoi ?! Prendre le tout ?! Mais, maaais et moi alors ? Je pouvais pas payer tout ça et puis elle n'allait quand même pas me payer mes articles ! Bon, réfléchis deux secondes, Kayane. Tu lui rembourseras le tout une fois sorti du magasin ! Oui, qu'elle booonne idée ! *Tu stress vraaaiment pour rien !*

Bref. J'étais tellement occupée à me faire un débat intérieur que je n'eus pas le réflexe d'aider Dalyan à ranger tous ces trucs dans les sacs. Cette dernière se releva et me demanda de me rendre utile. Oui bah oui, je lui devais bien ça ! Elle souleva deux sacs remplit après avoir tendu tout plein de billets au commerçant. J'écarquillai les yeux puis la regardait, complètement blasée. *si tu savais combien de temps je dois travailler pour avoir ça !* Quelle vie cruelle. D'ailleurs, ça me rappelait... Je ne savais toujours pas dans quelle branche je pourrais travailler pour gagner de l'argent. Je n'ai aucune compétence particulière, à part celle du journalisme mais bon, il était impossible de travailler là-bas avant d'avoir fait ses études. Et les études, ça coûte un bras (ou même les deux !). Serveuse, pourquoi pas ? Non, pas pour moi. J'envoirai chier les clients et je tiendrai pas deux jours avant de me faire virer ! Galère...

Je pris les deux sacs qu'il restait. Bien entendu, je n'avais pas envisagée le fait que ses sacs pouvaient peser trois tonnes et donc je lâcha tout. Les sacs me tombèrent sur les pieds.

{. Raaah Putaaaaaiiiinn ! ITAAAIII !

Me rendant compte que tout le monde me regardait, je m'arrêta net et poussa un petit "désolé" en reprenant cette fois-ci doucement les deux sacs. Ils pesaient lourd, mais pas aussi lourds que que ceux que portait Dalyan, ça se voyait, ils étaient bien garnis contrairement aux miens.

{. C'est bon, j'suis ok !

Avais-je dis avec un petit sourire, les sacs à bout de bras, prête à sortir.